samedi 18 mai 2013

Le prince des Marées - Pat Conroy


L'histoire
Sur l'île de Melrose, Tom, Savannah et Luke Wingo ont grandi entre un grand-père qui se prenait pour le Christ, une grand-mère féministe, un père patron de pêche, violent et imprévisible, et une mère mythomane dévorée d'ambition. Bien des années plus tard, la belle psychiatre Susan Lowenstein demande à Tom de l'aider à sauver Savannah d'une folie suicidaire. Par amour pour sa jumelle, il va accepter de se rendre à New York pour dire les blessures d'une enfance dure et chaotique, mais illuminée par la merveilleuse complicité qui unissait frères et soeur. Tout en distillant cette histoire exceptionnelle pleine de tendresse, d'humour et de violence, Tom va faire resurgir le souvenir d'un drame inavouable qui a brisé à jamais les liens du sang...

Mon avis
Le Prince des marées plonge le lecteur au coeur de la Caroline du sud, où il fait connaissance avec les Wingo, une famille de blancs sudistes durement éprouvée par le destin.
C'est pour venir en aide à Savannah, sa soeur jumelle qui vient de faire une nouvelle tentative de suicide, que Tom accepte de se rendre à New York afin de rencontrer sa psychiatre. Le Dr Lowenstein a en effet besoin de comprendre ce qui s'est passé durant l'enfance de sa patiente qui pourrait expliquer sa folie suicidaire. Porteur d'un lourd secret de famille, Tom va alors briser le pacte de silence et raconter leur enfance. Une enfance que Savannah, Tom et Luke, le frère aîné, ont passé sur l'île de Melrose, dans un cadre enchanteur, aux côtés d'un père violent et d'une mère dévorée d'ambition.
Dès les premières lignes, l'auteur parvient à éveiller notre curiosité. Le récit, qui alterne souvenirs du passé et moments présents, est bien rythmé. Les dialogues entre Tom et le Dr Lowenstein sont drôles et percutants. L'écriture de Pat Conroy est fluide et pleine de charme. On se laisse bercer par sa prose poétique lorsqu'il évoque les somptueux paysages de la Caroline du sud. Mêlant burlesque et tragédie, les anecdotes qui se succèdent amusent, étonnent ou attendrissent, mais deviennent ennuyeuses lorsqu'elles s'éloignent trop de l'intrigue.
Un roman, qui au final, est plutôt agréable à lire malgré quelques longueurs. Je n'ai cependant pas ressenti suffisamment d'empathie envers les personnages pour me laisser véritablement émouvoir par leur histoire.

Mes citations préférées
"A l'enfance, il n'est pas de verdict, seulement des conséquences et le fret brillant de la mémoire.."
"L'excès de beauté est une chose qui peut exister chez la femme, et il constitue souvent un handicap aussi lourd que la laideur, et beaucoup plus dangereux. Il faut beaucoup de chance pour survivre au don d'une beauté parfaite dont le caractère éphémère est la trahison la plus sournoise."
"Une véritable chaîne de montagnes fait rempart entre les sexes, sans qu'existe aucune race de sherpas exotiques pour traduire les énigmes de ces pentes mortelles qui nous séparent."
"Personne n'a le monopole de la souffrance humaine. Les gens souffrent de façon différente et pour des motifs différents."
"Quand un enfant subit la réprobation de ses parents, surtout si les parents jouent de cette réprobation, il n'y aura jamais pour lui d'aube nouvelle lui permettant de se convaincre de sa propre valeur. Une enfance saccagée ne se répare pas."
"La douleur n'est admirable que vécue en silence."
"La nature a horreur du vide mais elle abomine encore davantage le bonheur parfait."
"La mort est une chose naturelle et viendra tous nous chercher un jour, avec sa faux et sa robe blanche, pour nous conduire devant le tribunal du Jugement dernier. Ce que nous avons de mieux à faire est de nous tenir prêts pour quand viendra le jour."
"Le viol est un crime contre le sommeil et la mémoire ; l'image qui en reste s'imprime en négatif irréversible dans la chambre noire de nos rêves."
"La violence s'enracine profondément dans les coeurs ; elle ignore les saisons ; elle est toujours à maturité, toujours prête."

Quelques extraits
"Savannah a su qu'elle voulait être New-Yorkaise bien avant de savoir qu'elle voulait écrire de la poésie. Elle était de ces Sudistes conscients, à un âge très précoce, que le Sud pour eux ne serait jamais davantage qu'une prison au doux parfum, gérée par un collectif familial, affectueux mais perfide."
"Une fois qu'on attrape le virus de New York, alors plus rien ne soutient la comparaison. Sentez un peu l'énergie de cette ville. Vous n'avez qu'à fermer les yeux et vous laisser prendre par elle."
"La catatonie m'est toujours apparue comme la version sublime de la psychose. Le voeu de silence procède d'une certaine intégrité et le renoncement au mouvement a quelque chose de sacré. C'est la forme la plus paisible du drame humain de l'âme brisée, une répétition solennelle et en costume de la mort."
"Mes grands-parents étaient comme deux enfants mal assortis et leur maison recelait pour moi le double parfum du sanctuaire et du jardin d'enfants. […] Je sentais qu'il y avait de l'amour entre ces deux êtres, mais il s'agissait d'un amour sans flamme ni passion. J'étais en quelque sorte devenu le dépositaire du souvenir dans une famille où la mémoire vivait en concubinage fatal avec la souffrance."
"Toutes ces tendances échurent en partage à Savannah, Luke et moi, sous forme d'une mosaïque de gènes mortelle et variée. Dans une explosions de pure amertume, ma mère devait un jour résumer cela en s'écriant : Luke le fanatique, Tom le raté, Savannah la cinglée."
"Ma vie ne commença réellement qu'à dater du jour où je trouvai en moi la force de pardonner à mon père d'avoir fait de mon enfance une longue marche de la terreur. Passer l'éponge sur un simple larcin est chose aisée, tant que l'objet du délit n'est pas votre enfance."
"L'odeur violente de crevettes et de poisson frais, tandis que nous marchions vers le bateau, me donnait l'impression d'être sous l'eau et de respirer les marées salées et immaculées par tous les pores de ma peau. Enfants de pêcheur, nous n'étions finalement qu'une forme de plus de la vie marine des basses terres."
"Lorsque vous grandissez sous le toit d'un homme qui vous aime et vous maltraite à la fois, sans saisir ce que son comportement a de paradoxal, vous devenez, par réflexe d'autodéfense, l'observateur assidu de ses habitudes, le météorologue de ses humeurs. Je fis le tour des défauts les plus évidents de mon père et compris très jeune qu'il relevait en même temps de l'opéra bouffe et de l'instrument contendant."
"Je tournai la tête et vis Luke rire d'une remarque faite par Savannah, et je sentis le frôlement des longs cheveux de ma soeur contre ma joue, leur doux parfum, et je fus empli d'un amour parfait, ineffable pour mon frère et ma soeur, un amour d'une telle rigueur et d'une telle densité que j'en percevais la saveur sur ma langue, que j'en sentais la glorieuse chaleur me brûler au profond de la poitrine."
"Ensemble, au cours de ce long été, nous répétâmes, tendrement enlacés, le plus doux chapitre de l'histoire du monde. Doucement, nous arrachâmes un à un les secrets et les mystères timidement retenus par nos corps. Nous faisions l'amour comme nous aurions composé un long poème, écrit avec des flammes."
"Ah ! La beauté de Colleton dans son dernier printemps, offrant ses azalées comme une fillette lance le riz sur une noce désespérée ! Avec une générosité suffocante, Colleton mûrissait dans un écrin de jardins fleuris et la ville enfouissait sa souffrance sous un voile de suaves fragrances. Les hérons bleus se dressaient dans l'herbe des marécages, lestes dans leur immobilité éthérée. Une famille de loutres s'égaillait parmi les moutons d'écume, dans l'épave près du pont, et tous les arbres morts, le long du fleuve, grouillaient de timides colonies d'aigrettes. Les orfraies montaient des truites encore frémissantes aux oisillons qui les attendaient dans leurs nids en forme de chapeau, perchés sur les poteaux des téléphones. Dans les bras de mer, dansaient les marsouins. Et les crevettes se dirigaient vers les estuaires, pour la saison du frai."

Ma note

 

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